Association pour la découverte et la promotion du patrimoine de St Pierre

René et Marie-Louise Lechat, une famille ordinaire dans une situation extraordinaire

Extrait de l'article
Trois maisons de l'ancienne rue de la Gare, à St Pierre Quiberon, étaient réquisitionnées pendant la guerre. Yveline Thomas partage avec nous la mémoire familiale : ses grands-parents ont logé six Allemands...
Participants à la rédaction de cet article
Rédaction de cet article par Yveline Thomas
d’après les souvenirs confiés par sa tante Marie-Claude, qui avait entre sept et onze ans pendant la guerre.
Copie des images et textes
interdite sans l'autorisation de KER1856
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Trois maisons de l'ancienne rue de la Gare, à St Pierre Quiberon, étaient réquisitionnées pendant la guerre. Yveline Thomas partage avec nous la mémoire familiale : ses grands-parents ont logé six Allemands...
Participants à la rédaction de cet article
Rédaction de cet article par Yveline Thomas
d’après les souvenirs confiés par sa tante Marie-Claude, qui avait entre sept et onze ans pendant la guerre.
Copie des images et textes
interdite sans l'autorisation de KER1856

En 1940, nombreux sont les Saint-Pierrois qui ont dû supporter l’installation des occupants allemands dans la presqu’île, et même partager avec eux l’intimité de leur vie quotidienne.
Ce fut le cas de René et Marie-Louise Lechat, mes grands-parents maternels, qui habitaient rue de la Gare – aujourd’hui 5 rue Clemenceau – réquisitionnés pour loger des officiers allemands. Ces souvenirs m’ont été confiés par ma tante Marie-Claude, qui avait entre sept et onze ans pendant la guerre.

Tout d’abord, ils ont hébergé deux jeunes officiers, répondant aux noms de Hans Potzman et Rudi X…, envoyés sur le front russe en 1942, et remplacés alors par trois autres officiers, plus âgés, dont ma tante n’a pas l’identité.

La maison Lechat dans les années 40. L'Azemmour des Guillaume à gauche.
La maison " Les Liserons " actuellement

Enfin, leur a succédé un interprète, Martin Rotschen, qui était natif de Cologne. Il travaillait dans des bureaux de la Kommandantur, installés alors dans la villa « Les Liserons », actuel numéro 9 de la rue Clemenceau. Ma tante se souvient particulièrement de ce dernier car, à l’occasion d’une permission à Cologne, il lui a rapporté une poupée, pour sa plus grande joie de petite fille.

Il faut dire que ces six Allemands qui se sont succédé sous le même toit se sont toujours montrés très corrects et très discrets. La seule de leurs activités que la famille redoutait, c’était les moments où ils se réunissaient dans la cuisine pour nettoyer leurs armes. Elle craignait qu’un coup de fusil ne parte inopinément…

Ils dormaient au second étage de la maison, dans les greniers, deux petites pièces mansardées sans grand confort, à côté des chambres des enfants. Et la toilette se faisait dans la pièce de l’entresol qui servait de buanderie

Ils prenaient leurs repas avec leurs camarades logés dans le quartier, au rez-de-chaussée de la maison voisine, « L’Azemmour », appartenant à Monsieur et Madame Guillaume (l’actuel numéro 3 de la rue). La grande pièce qui servait de réfectoire ouvrait sur le sentier herbu (le chemin du Ouarc’h) qui séparait les deux maisons. Andrea le cuisinier y avait installé sa « roulante » et y préparait les repas quand le temps s’y prêtait. Madame Guyonvarc’h, dont les champs cultivés s’étendaient un peu plus loin à droite du sentier, leur permettait de venir y ramasser des légumes. Il faut noter qu’il n’y a eu aucun acte de pillage dans les potagers pendant cette période, du moins dans le quartier.
L’alimentation quotidienne est bien sûr devenue un problème au fur et à mesure que le temps passait, et en particulier pendant la dernière année de l’Occupation.

Le sentier remplacé par la rue du Gouvello. À droite la maison Lechat, à gauche la porte du "réfectoire" de l'occupant.
La rue Clémenceau de gauche à droite : « L'Azemmour », la maison des Lechat, la maison des Le Couëffec, " Les liserons ".
L'actuelle rue de Clémenceau avec les 3 maisons N° 3-7 et 9 avec le chemin herbu (en vert)
L'ancienne " rue de la gare " après guerre années 1950-60

Mon grand-père avait un jardin potager, véritable richesse en temps de guerre, d’où il a pu tirer substance pour nourrir les siens. Comme le café s’était fait rare, il faisait un ersatz de ce breuvage avec les graines des lupins qu’il avait eu l’idée de cultiver. La dernière année, la famille se nourrissait beaucoup de flocons d’avoine, et de bouillie de blé noir, agrémentée du lait caillé de chez madame Quello – laquelle avait une petite ferme à Keridenvel, de l’autre côté de la voie de chemin de fer, la première habitation à droite lorsqu’on prend la route du camp. De plus, comme Renée Lechat, sœur aînée de Marie-Claude, avait pour amie Eliane Mollo, dont la mère tenait une épicerie à Kervihan, cette dernière leur réservait parfois quelques denrées qui amélioraient l’ordinaire.
Enfin, avant la fermeture de la presqu’île début août 44, Jules Lechat, le jeune frère de mon grand-père, avait fait porter à la famille deux grands sacs de farine, blanche et noire, ainsi qu’un baril de viande saumurée. La famille n’a jamais vraiment souffert de la faim, même si elle a comme les autres, souffert de quelques privations.

Martin Rotschen est revenu voir ma famille un été, après la guerre, au début des années cinquante, en compagnie de son épouse. Ce jour-là, mon père, officier de la coloniale qui revenait d’Indochine, a quitté les lieux pour ne pas le saluer.
Les souvenirs du conflit mondial étaient trop frais…

Les Le Couëffec, qui habitaient la maison des « Troënes » à côté de celle de mes grands-parents, n’ont jamais subi de réquisition. Peut-être était-ce dû à leurs statuts respectifs de sage-femme et de directeur d’école ? (lien de notre article sur la sage-femme Paulina Le Couëffec)

Odette Lechat, aînée de la famille et directrice de l’école des filles, cultivait aussi un petit potager derrière l’école pour faire de la soupe de légumes à ses élèves. Mais elle a surtout accompli un acte de bravoure avec l’aide d’une institutrice, mademoiselle Davy : elles avaient déniché une « planque » dans une villa de Kerbourgnec où cacher deux parachutistes anglais. Dissimulés dans une charrette, ils avaient été amenés à Saint-Pierre par une fermière de Ploemel, connue d’Odette Lechat car elle avait commencé sa carrière d’institutrice quelques années auparavant dans ce petit bourg. On ne peut que saluer un pareil culot de la part de ces trois femmes en temps d’occupation, et la chance qu’ont eue les soldats anglais d’échapper à l’ennemi !
Et, après la guerre et pendant des années, mademoiselle Lechat ira chercher son beurre chez la fermière de Ploemel à vélo, chaque semaine !

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