Association pour la découverte et la promotion du patrimoine de St Pierre

L’abbé Jégo lieutenant aumônier F.F.I

Extrait de l'article
Une occasion manquée : la demande de reddition de la presqu'île de Quiberon le 26 octobre 1944 par l’abbé JÉGO lieutenant aumônier F.F.I.
Participants à la rédaction de cet article
D’après le récit de l’abbé Jégo source ???
Rédaction de l’article par Jean-Louis Guého
Copie des images et textes
interdite sans l'autorisation de KER1856
Extrait de l'article
Une occasion manquée : la demande de reddition de la presqu'île de Quiberon le 26 octobre 1944 par l’abbé JÉGO lieutenant aumônier F.F.I.
Participants à la rédaction de cet article
D’après le récit de l’abbé Jégo source ???
Rédaction de l’article par Jean-Louis Guého
Copie des images et textes
interdite sans l'autorisation de KER1856

Une occasion manquée : demande de reddition de la presqu’île de Quiberon le 26 octobre 1944 par l’abbé JÉGO lieutenant aumônier F.F.I.

Je me suis présenté, avec un pli cacheté, à la première sentinelle allemande à 500 mètres du village de Plouharnel, porteur d’un drapeau blanc. J’ai dit à la sentinelle que je voulais m’entretenir avec l’officier allemand des forces de la presqu’île.

Un officier-médecin s’est présenté à moi :
– Je veux parler de choses très importantes avec votre commandant lui-même, après lecture de la lettre que voici.
– Je vais téléphoner.

Dix minutes plus tard, il revint à bicyclette avec un bandeau :
– Le commandant accepte votre conversation ; voulez-vous venir dans nos lignes, et pour combien de temps ?
– Je veux passer la nuit avec lui pour converser.

Il me banda les yeux et nous partîmes. J’évaluai la distance parcourue en fumant trois gauloises. On me débanda les yeux dans l’embrasure d’une casemate. A gauche, une porte s’ouvrit et un magnifique petit salon s’offrit à mes yeux. Une femme s’y trouvait : une infirmière ayant vécu en France et internée dans les Pyrénées en 1939 à la déclaration de guerre. Je me présentai, très poliment, comme aumônier F.F.I. venant volontairement au nom de l’armée américaine pour traiter des conditions de reddition et de la libération de la presqu’île.

– Monsieur c’est une chose très importante que vous entreprenez !
– Je sais, Madame, mais je serais tellement heureux si de part et d’autre, je pouvais empêcher le sang de couler.
– Cette mission est noble… Vous avez ma confiance et nous pouvons parler avec sympathie.
– Je suis heureux de votre politesse, Madame.

Elle traduisait cela aux deux officiers présents qui me firent m’asseoir dans un grand fauteuil et s’empressèrent de téléphoner à Quiberon où était le lieutenant-colonel. Il était 21h05 à ma montre. La conversation téléphonique terminée, la dame me dit :
– Monsieur le commandant part de Quiberon et sera ici dans une petite heure.
– Madame, vous voudrez bien m’excuser de le déranger cette nuit.
– Très correct.

On téléphone encore… La dame me fait savoir qu’on demandait aux officiers de venir.
– Je suis heureux, madame, que l’on prenne en considération la demande que je fais.

Là-dessus, la conversation se lia entre cette femme et moi sur ma situation de prêtre, d’aumônier, de soldat… Je vis que son moral était parfait, elle n’avait pas peur de la mort ; elle voulait faire son devoir comme tous les soldats du Reich. Cette personne portait soixante ans.
Au bout d’une grosse demi-heure, on m’avertit que le Commandant arrivait en auto…
Un officier aux galons tressés avec étoile : lieutenant-colonel, jeune encore, très beau visage, des yeux très expressifs, il pouvait avoir quarante-cinq ans. Je me levai dans un impeccable garde à vous. Il n’y eut aucun échange d’autres marques de politesse, sinon que je me fus découvert.

Étaient debout, cinq officiers, la dame et moi.
– Commandant, je viens avec ce pli pour lier conversation avec vous et préparer des choses importantes.
– Pourquoi venir à cette heure ?
– Pour permettre de constater que je ne voulais pas espionner vos positions.
– Très correct, vous avez ma confiance, asseyez-vous.

Je lui remis le pli et je m’assis. Il décacheta l’enveloppe et parcourant lui-même la lettre, il me demanda de la lire, puis de la traduire en français. L’infirmière la lut tout haut en anglais, puis en français et la traduisit en allemand. Il se fit un silence très lourd, puis le Commandant dit :
– Cela veut dire se rendre ? Oui, se rendre en toute confiance, comme prisonnier ?
– Oui.
– Qui nous reçoit ?
– Les chefs F.F.I. les commandants MARCEAU et GARREL et moi, et les autorités américaines avec des soldats américains en nombre suffisant.
– Quand ?
– Demain matin à 8h00.
– Où ?
– A votre frontière, de ce côté de Plouharnel.
– Comment allez-vous faire ?
– Vous avez dans la lettre les moyens indiqués : des camions conduits et dirigés par l’armée américaine.
– Où sont-ils ?
– Je ne peux vous le dire. Mais ils pourront venir sitôt que je passerai vos lignes, vous me donnez une heure.
– Un moment Monsieur.

Il se fit un long silence, puis il me regarda en me demandant :
– Vous comprenez l’allemand ?
– Non, quelques mots : Ja, verstehen, gut …etc.

Il rit de bon cœur. Pendant six minutes, ils parlèrent entre eux. La dame me posa une question :
– En somme, vous nous demandez de nous rendre pour nous libérer ?
– Oui, pour épargner vos vies et celles de vos hommes, des soldats français et américains, je voulais tant qu’il n’y ait pas de sang qui coule sur cette terre.

Un court silence se fit. Le lieutenant-colonel dans un impeccable garde à vous :
– Monsieur, je suis soldat, mon devoir me défend de me rendre ainsi que les hommes, nous nous ferons tuer jusqu’au dernier.
– Commandant, dis-je, dans un impeccable garde à vous, j’admire votre bravoure, je regrette de ne pouvoir vous sauver, je suis heureux de votre correction.
– Merci Monsieur.

Visiblement émus, nous ne savions que faire. La femme me dit :
– Cela nous ferait plaisir que vous restiez encore avec nous pour parler d’autres sujets.
– Volontiers, Madame.

Nous nous rassîmes et nous avons parlé pendant une bonne heure de la guerre, de l’armée américaine qu’ils ont en grande estime, de la France que je dois défendre farouchement tout en étant correct. Il fut question des prisonniers allemands, des suppliciés et de l’épineuse question des patriotes terroristes qui furent suppliciés à Pluvigner, au Faouët et un peu partout. Ils étaient gênés et moi aussi. Nous touchâmes la question des bombardements de France, d’Italie et d’Allemagne, de l’avance des Russes en Allemagne, des Américains en Allemagne, de l’aspect actuel de la France.” C’est un pays qui s’organise grâce aux Alliés pour se libérer entièrement”. 

Il me dit :
– Elle ne le fera pas… Nous avons trop fait pour la France pour lui permettre de vivre et travailler. Est-ce que les Américains comptent organiser la France ?
– Je ne peux rien dire.
– Que comptent-ils faire en Allemagne ?
– Faire comprendre que dans la charité et la paix, on peut faire un monde meilleur.

Se grandissant le colonel dit :
– Pourquoi les Américains font-ils la guerre ? Pour vous défendre et vous libérer ? Vous le croyez Monsieur ?
– J’ai confiance en nos Alliés et c’est pourquoi je suis venu ce soir.
– Cela est beau, mais ne revenons pas sur le papier.
– Je regrette, j’ai le cœur serré en pensant qu’une si belle occasion, à la veille d’une tuerie, ne pourrait pas être utile.
– Pour vous, prêtre, oui, mais si vous êtes bon soldat, vous devez comprendre que vous ne devez pas insister.
– Merci.

Le lieutenant-colonel, lui-même, met sept verres et verse du cognac ; nous bûmes nos verres.
– A la paix, dis-je.

Avec une légère grimace, je goûtai mon verre ; eux l’avalèrent et s’en servirent un nouveau. Nous bavardâmes encore de la médecine, car je toussais un peu ; éloge de la médecine allemande, américaines et de la Croix-Rouge française.
Le lieutenant-colonel téléphona, Madame m’avisa que le commandant avertissait sa voiture pour me reconduire à Plouharnel en faisant enlever les mines.

– Commandant, je vous remercie d’avoir accepté les pourparlers et de votre correction. Je suis content que vous sachiez ce que nous pensons. Je regrette de ne pouvoir vous sauver.
– Merci, Monsieur, je vous remercie aussi d’être venu ainsi dans nos lignes avec de grands sentiments. Vous avez été très gentil et je ferai mon devoir.

Échange de poignées de mains

Le lieutenant-colonel me fit sortir du blockhaus, m’ouvrit la portière de sa voiture et s’assit près de moi. Devant, deux officiers, et en parlant, nous fîmes six minutes de voiture tous feux éteints jusqu’au premier barrage de mines à 500 mètres de Plouharnel. Nous descendîmes et ils m’encadrèrent, sans armes, jusqu’aux premières maisons du bourg où nous échangeâmes une poignée de main.

– Bonsoir.

D’après le récit de l’abbé Marcel JÉGO

Abbé Marcel Jégo

Abbé Marcel JÉGO (19 mars 1914 – 12 mars 1965)

Vicaire à Crac’h du 21 septembre 1940 au 01 juillet 1945, il y organise un maquis clandestin dont les membres sont de jeunes « Cœurs Vaillants ».

Le 1er octobre 1942, il entre dans le réseau de résistance de l’O.R.A (Organisation de Résistance de l’Armée) comme sous-lieutenant, sous le nom de «Paul-Marie Bayard». Il concilie son rôle de vicaire de Crac’h et celui de chef clandestin. Avec l’assentiment de son recteur, il cache bon nombre de jeunes pour les soustraire au STO (Service du Travail Obligatoire) en Allemagne

En juin 1944, il est dénoncé à la Gestapo et le 16 juin, un détachement de 28 soldats allemands se rend au presbytère pour l’arrêter. Le recteur parlemente avec les soldats, permettant ainsi à l’abbé JÉGO de s’échapper une première fois. Repris, il est ramené au presbytère. Il demande à se changer, fait disparaître des documents relatifs à ses activités de maquis et profite des libations allemandes dans la cave du recteur pour se sauver par un petit fenestron situé à l’arrière du presbytère. Il saute dans la venelle qui borde la place qui porte aujourd’hui son nom et, avec l’aide du frère EZANNO, directeur de l’école des garçons, réussit à s’échapper, pieds nus, à travers la lande, pour éviter les chemins. Il rejoint la chapelle du « Plas-Kaër », guidé par Melle Le BOHEC, fille de la ferme de Kergurioné. Sous la statue de Notre-Dame des Sept Douleurs, sont cachés des vêtements civils qu’il portait lors de ses déplacements clandestins.

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