Association pour la découverte et la promotion du patrimoine de St Pierre

Extraits du témoignage de Gabriel Vasseux né en 1919

Extrait de l'article
Gabriel VASSEUX passe ses vacances à Saint-Pierre Quiberon chez ses grands-parents maternels. Ce sont ses souvenirs d’adolescence qu’il évoque ici, avec notamment son camarade Jacques TUFFIGO, frère de Maxime, résistant, l’un des martyrs de Penthièvre.
Participants à la rédaction de cet article
Photo de Gabriel Vasseux en 1938 à la côte sauvage
Jean-Paul Le Blaye nous a confié ce témoignage de Gabriel Vasseux daté du 28 février 2007
La fille de Gabriel Vasseux Sylvie Le Guen nous a prêté des photos pour illustrer cet article
Jean-Louis Guého a mis en forme cet article.
Copie des images et textes
interdite sans l'autorisation de KER1856
Extrait de l'article
Gabriel VASSEUX passe ses vacances à Saint-Pierre Quiberon chez ses grands-parents maternels. Ce sont ses souvenirs d’adolescence qu’il évoque ici, avec notamment son camarade Jacques TUFFIGO, frère de Maxime, résistant, l’un des martyrs de Penthièvre.
Participants à la rédaction de cet article
Photo de Gabriel Vasseux en 1938 à la côte sauvage
Jean-Paul Le Blaye nous a confié ce témoignage de Gabriel Vasseux daté du 28 février 2007
La fille de Gabriel Vasseux Sylvie Le Guen nous a prêté des photos pour illustrer cet article
Jean-Louis Guého a mis en forme cet article.
Copie des images et textes
interdite sans l'autorisation de KER1856

Les articles que nous publions sont le reflet des vies des protagonistes de ces histoires… mais parfois le récit seul a une vie insoupçonnée pour arriver jusqu’à nous. Ce récit écrit par Gabriel VASSEUX avait été initialement envoyé par ses soins à la mairie de Saint-Pierre en guise de témoignage d’une époque. Cet article n’avait pas retenu l’intérêt de la municipalité… mais Jean-Paul Le BLAYE avait conservé une copie de ce témoignage et nous le remercions vivement de cette initiative, sans laquelle vous ne pourriez pas lire ce témoignage aujourd’hui. Mais l’histoire ne s’arrête pas là… Ker 1856 a ensuite cherché la descendance de Gabriel VASSEUX et par chance nous avons pu retrouver, en Ille-et-Vilaine, sa fille  qui a eu l’amabilité de nous prêter des photographies pour illustrer cet article. A votre tour de le découvrir…

Gabriel VASSEUX né en 1919, « Titi parisien », passe ses vacances à Saint-Pierre chez ses grands-parents maternels, Louis et Jeanne BELLEMIN. Ce sont ses souvenirs d’adolescence qu’il évoque ici, avec notamment son camarade Jacques TUFFIGO, frère de Maxime, résistant, l’un des martyrs de Penthièvre, dans un écrit du 28 février 2007.

Vers 1926-27 -situé à la gare - maison des grands-parents Bellemin -Gabriel Vasseux devant avec le béret
Maison actuelle à la gare de St Pierre
Vasseux famille à la côte sauvage
Eté 1929 famille Vasseux à la Côte sauvage
1936 les grands-parents Bellemin, les parents Vasseux et les six enfants. Gabriel à droite

Souvenirs d'adolescence de Gabriel Vasseux

«  … Notre petite bande parcourait la Côte sauvage sans aucune surveillance parentale et quel que soit le temps, nous rencontrions peu de gens – les douaniers qui nous connaissaient, des pêcheurs isolés – sous la conduite des grands, dix-onze ans, nous explorions les plages et les grottes de la côte, à marée descendante, comme à marée montante. C’était pour nous un terrain de chasse extraordinaire. Nous y trouvions tout ce que la mer peut ramener à terre, des planches, des panneaux arrachés aux bateaux, des casiers… une fois, une belle nasse en métal, je peux m’en souvenir, c’est moi qui l’ai ramenée au pays attachée sur mon dos, des morceaux de filets avec des flotteurs en liège ou en verre, des longueurs de lignes de fond avec deux ou trois hameçons dont certains encore engagés dans l’os blanchi de la tête de poisson, des bouteilles …etc. Les gars récupéraient après les avoir démêlées, les lignes de fond qu’ils enroulaient autour d’un flotteur de liège.

Parmi les ados de notre petite bande, il y avait Milou PADELLEC. Son père était le patron d’une des pinasses de l’usine et responsable du syndicat des pêcheurs. C’était un « Monsieur », il habitait avec ses trois fils une petite maison accolée à l’usine dans la grande rue. Milou, le plus jeune, était un bon accordéoniste et l’un de ses frères l’accompagnait à la batterie. Ils étaient demandés un peu partout pour les bals et les fêtes. Je me souviens qu’un samedi soir d’été, lors d’un bal organisé à Saint-Pierre, dans l’ancienne distillerie[1] désaffectée qui servait de salle des fêtes au coin de l’avenue de Bretagne et de la rue Curie, j’avais remplacé le frangin à la batterie pour qu’il puisse aller danser. Mais je vous parle des PADELLEC… c’est aux vacances de 1936, en passant prendre Milou chez lui, que son père m’avait dit qu’il comptait bien me voir l’année suivante à Paris, qu’il y serait, avec son bateau, à l’Exposition Universelle pour représenter les pêcheurs de sardines. Effectivement et c’est là où je voulais en venir, à l’été 37, la pinasse de PADELLEC, avec un équipage réduit, accompagnée d’un thonier, quitte le port d’Orange pour venir s’amarrer, après une navigation sans histoire, au quai de la rive gauche de la Seine à Paris, au port du « Gros Caillou », entre le pont de l’Alma et celui des Invalides. Après mon travail aux réserves des Galeries Lafayette, plusieurs fois, je me présenterai à une porte dans la grille clôturant l’Exposition, côté du port, où PADELLEC viendra me chercher et après une escale sur la pinasse ou sur le thonier, je pourrai faire partie des trente millions de visiteurs de l’Expo et voir face à face les sévères pavillons de l’URSS et de l’Allemagne nazie, ce dernier avec ses drapeaux à croix gammée préfigurant l’Occupation qui n’allait pas tarder à venir… »

[1]NDLR – Aujourd’hui le Centre Culturel

Gabriel Vasseux nous parle de son ami Jacques Tuffigo

«  … Ce qui me rapprochait de Jacques, c’est qu’il était comme moi un sportif aimant la natation et le vélo. Je vais tâcher de vous donner dans l’ordre les bêtises que notre bande d’ados a faites, c’est authentique et certaines n’ont jamais été retentées. D’abord notre cri de guerre était : « Ho Huche ! ». Un matin avec ceux qui avaient des vélos nous partîmes pour Carnac, Jacques et moi nous étions engagés dans une course cycliste pour amateurs appelée « le circuit des menhirs », nous nous retrouvâmes une trentaine au départ, pas de maillots d’homme sandwich comme de nos jours, nous courions pour le sport.  Dans un premier tour du circuit, nous étions une dizaine d’échappés quand je crève de la roue arrière ; à regret je laisse partir les gars, que Jacques règlera au sprint à l’arrivée. Changer de boyau pour pouvoir rejoindre les copains et rentrer à Saint-Pierre, je me souviens que je n’étais pas loin de l’alignement des menhirs devant lequel le circuit nous faisait passer, sur l’accotement une gamine d’une douzaine d’années, un bâton à la main, un chien à ses pieds, me regardait faire pendant qu’un petit troupeau de moutons et de chèvres se régalait entre les pierres levées, ce qui serait un scandale de nos jours.

Je ne serai pas de la course cycliste pour la fête des « Filets bleus » que Jacques gagna encore au sprint, c’était un redoutable finisseur. Mais l’exploit, si l’on peut dire, que nous avons réalisé tous les deux et que vous n’êtes pas près de revoir est le suivant : nous avions pris l’habitude de nous retrouver sur le port d’Orange, au bout de la jetée, près de la descente menant à la plage de Kermahé où nous avions une tente. Ce jour-là, à marée haute, nous nous baignions au bout du môle, plongeant du parapet et remontant par la cale, puis Jacques revient où sont garés nos vélos, prend celui de son frère [Maxime], un ancien vélo tout simple – un cadre, deux roues, un guidon et une selle, pas de freins, c’est un pignon fixe – grimpe avec sur le parapet, monte dessus et file à toutes pédales vers le bout de la jetée d’où il plonge avant de remonter avec par la cale, rigolard. Il me met au défi et malgré les protestations du petit frangin, je refais la même chose. Vous voyez que l’esprit des ados n’a guère changé, seulement de nos jours, c’est de la violence.   

Je vous ai dit que Jacques et moi nous étions de bons nageurs, bien entraînés. J’ai fait un temps de la compétition, en spécialité brasse, lui c’était le crawl qu’il nageait superbement. Nous avions dans la bande, revenant chaque été, deux Anglais qui étaient aussi de bons nageurs et avec eux nous écumions les fêtes locales comportant des épreuves nautiques où nous étions confrontés à d’autres Clubs tels « les Crabes de Port Haliguen », « les Mouettes de Quiberon » et nous avions acquis une sacrée réputation de gagneurs. Ce que je vais vous conter s’est passé à marée basse au port d’Orange ; nous sommes un petit groupe qui rentre de la baignade par la cale et la jetée, Jacques n’est pas avec nous. Dans le port à sec, quelques bateaux, dont une pinasse, sont sur leurs tins ; devant la troisième arche du dessous du môle, il y a un trou au fond sablonneux plein d’eau qui forme comme une petite piscine. Ce n’est pas profond. Je ne me rappelle plus qui a dit : « On plonge les mecs, chiche ?» On s’aligne à trois au bord du quai, un Nantais, un Anglais et moi, et plouf ! c’est parti, il faut arrondir en touchant la surface de l’eau, et le ventre malgré tout râpe un peu le fond, mais tous les trois on s’en sort sans mal. « Bande de cons ! » nous crient du haut du quai nos copains qui ont eu peur pour nous ! Voilà les bêtises dont nous étions capables… »

Gabriel Vasseux se remémore les dégâts causés par la guerre

Jacque Tuffigo

… Jacques TUFFIGO s’était engagé dans la Marine. J’apprendrai sa mort par Alexis MADEC quand je reviendrai au pays en 1950. Tué à la libération de Lyon à bord de la jeep qu’il commandait en tant que quartier-maître de fusiliers-marins, il avait fait le débarquement de Provence…

[NDLR : Jacques était le fils de Louis TUFFIGO et de Rose, Alphonsine HENRY il était l’aîné d’une fratrie de quatre enfants : Maxime (1926-1944) et deux sœurs Jacqueline et Marie-Louise du village de Kerbourgnec.]

Maxime Tuffigo

Maxime TUFFIGO a été un des résistants qui ont été emprisonnés au fort Penthièvre, torturé puis exécuté par les SS ukrainiens. Je suis allé lui rendre un dernier hommage dans le souterrain où il avait été jeté et où nous jouions étant gosses

[NDLR : Maxime né le 11/02/1926  à Saint-Pierre Quiberon, était le fils de Louis TUFFIGO, marin, et de Rose Alphonsine Henry. Célibataire, il était domicilié chez ses parents à Kerbourgnec. Arrêté le 29 juin 1944 à la ferme du Cosquer-en-Plaudren et incarcéré à la prison de Vannes, il fit partie des cinquante détenus conduits le 12 juillet 1944 au Fort Penthièvre, commune de Saint-Pierre et exécutés le lendemain 13 juillet, deux par deux, les mains liées, après avoir été horriblement torturés. Il avait 18 ans.]

 

1935

1935: Gabriel Vasseux à la côte sauvage (photo) 

De cette période d’avant 1939, je me souviens encore des rodéos du « Nantais » avec sa Motobécane, du bordel que nous avions mis sans le vouloir dans une procession, d’avoir renseigné à l’entrée du port d’Orange, l’acteur marseillais FERNANDEL qui, dans une magnifique voiture décapotable et avec sa petite famille, voulait se rendre à Carnac… 

1939 – … J’étais mobilisé dans l’Armée de l’Air. Commençait alors pour moi une longue errance qui allait m’emmener en Afrique jusqu’en 1942, puis en déportation en Allemagne jusqu’en juin 1945… »

 

1935 Gabriel Vasseux

« … Je me rappelle mon premier séjour à Saint-Pierre lorsque je reviendrai après la guerre pour de courtes vacances ; je logerai dans une pension de famille, sur le port d’Orange, tenue par un ancien gendarme MADEC.[NDLR  actuellement le « Big’orneau » ] C’est lui qui me racontera ce qu’étaient devenus mes copains d’enfance. Saint-Pierre et ses habitants avaient bien changé. Michel FÉCHANT était devenu patron pêcheur, j’apprendrai sa mort quelque temps après, sa sœur Margot, mariée à un CRS, était monitrice pour les jeunes sur la plage de Kermahé, elle m’évitera tout au long de mon séjour. Yves PARLIER, marié, avait repris la boutique de ses parents, les PADELLEC avaient disparu du décor; je retrouverai Milou par l’intermédiaire d’un de ses neveux, nous correspondrons un temps, puis je ne sais ce qu’il est devenu… »

Ainsi s’achève le récit de Gabriel VASSEUX, un jeune Parisien, sportif et attaché à notre commune, touché par la barbarie de la Seconde Guerre mondiale, ayant perdu ses amis Jacques et Maxime TUFFIGO.
Ker 1856 remercie Madame Sylvie Le GUEN, fille de Gabriel, d’avoir rendu possible cette publication.

Un commentaire

  1. Bonjour,
    Je suis la fille de Mr Gabriel Vasseux.
    C’est très émouvant pour moi de voir une partie de la vie de mon papa et de ma famille raconté et partagé !!
    Et j’ai été agréablement surprise de voir la maison de mes arrières grands parents qui n a pas trop changé, on la reconnait bien !!
    Merci beaucoup pour votre travail!
    J ai en ma possession beaucoup d’écris de papa mais concerne surtout sa période en STO.
    Cordialement

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1856 : création de la commune de Saint-Pierre

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