Ida GENTY-ROSSI, née Constanza Ida Augusta ASSAEL le 31 octobre 1914 à Barcelone, est l’une des figures emblématiques de la Résistance française durant la Seconde Guerre mondiale et une aviatrice pionnière dans l’Armée de l’air. Son parcours exceptionnel incarne la détermination, le courage et l’engagement, non seulement face à l’occupant nazi, mais aussi dans sa lutte pour la reconnaissance des femmes dans les corps militaires, en particulier l’aviation. Son parcours nous touche particulièrement parce qu’elle a partagé la vie de notre commune, à Portivy, à partir des années 1960.
Engagement dans la Résistance
Ida Genty grandit en Espagne, puis se réfugie en France pendant la guerre civile espagnole ( NDLR: qui s’est déroulée de 1936 jusqu’à 1939). Après avoir vécu dans diverses régions françaises, elle s’installe dans le Sud. En 1943, alors que la France est sous occupation allemande, elle entre dans la Résistance aux côtés de son mari, le colonel Robert ROSSI-LEVALLOIS, un des chefs des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) dans la région Provence.
Les actions de résistance d’Ida Genty sont multiples et risquées. Elle participe à l’organisation de filières de fuite pour les prisonniers de guerre, pour les réfractaires au Service du Travail Obligatoire (STO), pour les persécutés. Elle joue un rôle clé dans l’acheminement d’armes à différents maquis, elle participe à des actions de sabotage contre les forces d’occupation nazies. Suite à l’arrestation de son mari par la police de Vichy le 19 octobre 1943, puis à son transfert à la prison de Sisteron, elle organise, en falsifiant des documents officiels et en contournant les contrôles allemands, son évasion de prison le 10 janvier 1944. Par la suite son mari, chef militaire respecté, rejoint l’État-Major des Forces Françaises de l’Intérieur. Robert Rossi-Levallois est à nouveau capturé le 16 juillet 1944 à Marseille par la Gestapo et exécuté le 18 juillet 1944. Ida apprend la mort de son mari alors qu’elle est, elle-même, incarcérée le 27 juillet. Les tortures physiques extrêmes subies lors de sa détention ne parviennent cependant pas à briser son esprit : lors de son transfert en train vers les camps en Allemagne, elle parvient, avec l’aide de la Résistance, à faire dérailler le train et s’échapper à travers la France occupée.
Ensemble ils ont eu un fils, Philippe Rossi, qui était très jeune à la mort de son père. Philippe Rossi deviendra, comme son père en 1933, polytechnicien en 1957.
Rare femme à faire partie du personnel d’encadrement de l’Armée de l’air, Ida Rossi est responsable de l’Ecole des Cadres féminins à Grandchamp en France au moment où l’Ecole est dissoute après-guerre en 1945.
Distinctions et médailles
Pour son courage exceptionnel et son rôle majeur dans la Résistance, Ida Genty est décorée de nombreuses distinctions, parmi lesquelles la Médaille de la Résistance et la Croix de guerre 1939-1945 (avec deux citations). Sa contribution à la libération de la France est reconnue au plus haut niveau, et elle est notamment honorée par l’attribution de la Croix du combattant volontaire de la Résistance. Ces décorations soulignent son engagement indéfectible aux côtés des forces de la liberté.
Carrière dans l'Armée de l'air
Après la guerre, Ida Genty-Rossi tourne une nouvelle page de son parcours en intégrant l’Armée de l’air en 1945, une époque où la place des femmes dans les forces armées était encore limitée. Elle devient ainsi l’une des premières femmes à occuper un poste d’officier dans cette institution, marquant ainsi un tournant pour l’intégration des femmes dans les métiers militaires, en particulier dans l’aviation.
Sa carrière dans l’Armée de l’air est notable, non seulement pour ses compétences et son professionnalisme, mais aussi pour son rôle dans la lutte pour l’égalité des sexes dans ce domaine. En effet, Ida se bat pour que les femmes soient traitées de manière égalitaire, que ce soit en matière de reconnaissance professionnelle, de solde ou de statut militaire. Elle plaide également pour leur intégration dans des fonctions militaires spécifiques, qui leur étaient jusque-là interdites.
Elle se lie d’amitié avec d’autres pionnières de l’aviation, telles que Maryse Bastié, Adrienne Bolland, et Hélène Boucher, des aviatrices emblématiques qui ont elles aussi marqué l’histoire. Ces rencontres et amitiés, bien que parfois marquées par des tragédies, nourrissent son combat pour l’égalité. En 1952, elle échappe de peu à la mort lorsqu’elle renonce à accompagner Maryse Bastié, qui trouve la mort dans un accident d’avion alors qu’elle effectuait un vol de test. Ce drame marque profondément Ida, qui poursuit néanmoins son engagement pour l’intégration des femmes dans l’aviation militaire.
Sa détermination lui permet de se hisser à des postes importants, et elle finit par atteindre le grade de commandant dans l’Armée de l’air en 1957. Son nom reste également gravé dans l’histoire de la France en raison de ses contributions à la reconnaissance et à l’égalité des femmes dans l’aviation militaire, ce qui ouvre la voie à l’intégration complète des femmes dans l’Armée de l’air, un processus qui se concrétisera pleinement en 1995.
Vie personnelle et hommages
Ida Genty-Rossi se remarie en 1960 avec Robert Genty, un homme d’exception, ingénieur en aéronautique et professeur de mécanique spatiale. Il lui fait découvrir Portivy dans la presqu’île, où ils s’établissent dans une maison, face au port, pendant les nombreuses années de leur union. Portivy deviendra un lieu symbolique pour Ida, un espace de paix et de souvenirs précieux, où elle trouve refuge loin des horreurs de la guerre et des tourments qu’elle a traversés.
Robert Genty était le petit-fils de Jean Rué, maire de Saint Pierre de 1929 à 1936. La famille Rué s’est installée sur le port de Portivy en 1900.
Le gendre de Jean Rué, Gwenaël Le Portz a également été maire de la commune et Robert Genty maire adjoint de 1980 à 1995.
La première maison était une simple cabane (à gauche). Une autre maison « en dur » a été rajoutée à l’entre-deux-guerres. Cette maison a été démolie pour être remplacée par la maison du couple Genty à la fin des années 60 (voir photo ci dessous des années 1970)
En raison des épreuves qu’elle a vécues – la perte de son mari Robert Genty le 14 décembre 2001, mais auparavant la mort tragique de son premier époux fusillé le 18 juillet 1944 – Ida Genty-Rossi continue de défendre la mémoire de la Résistance, en particulier celle de son premier mari, et de participer activement à des événements commémoratifs, en France et ailleurs. Elle devient également marraine de l’aéroclub « Colonel Robert Rossi-Levallois », créé en hommage à son mari, et continue de soutenir les causes qui lui tiennent à cœur, notamment la reconnaissance du rôle des femmes dans l’histoire de l’aéronautique.
Ida Genty-Rossi est également reconnue par la société d’encouragement au progrès, qui lui décerne la Grande médaille d’or pour l’ensemble de ses contributions à la société, et notamment pour son rôle dans la Résistance et l’aviation. Elle est élevée au rang de Grand Officier de la Légion d’honneur en 2014, en reconnaissance de ses actions exceptionnelles durant la guerre et pour son rôle dans la transformation de l’Armée de l’air.
Décès et héritage
Ida Genty-Rossi décède à l’âge de 104 ans, le 21 avril 2019, à Val de Louyre et Caudeau en Dordogne, après avoir vécu une vie marquée par le courage, l’héroïsme et l’engagement. Ses obsèques se déroulent dans l’intimité, mais son héritage perdure, tant par ses contributions à la mémoire de la Résistance que par son rôle dans l’intégration des femmes dans l’Armée de l’air. Ses actions ont laissé une empreinte durable dans l’histoire de la France, et elle est aujourd’hui célébrée comme une véritable héroïne, dont le parcours a inspiré de nombreuses générations.
Distinctions et honneurs
Parmi ses nombreuses distinctions, on compte :
- Grand Officier de la Légion d’honneur
- Commandeur de l’Ordre national du Mérite
- Croix de guerre 1939-1945 (deux citations)
- Médaille de la Résistance (1945)
- Croix du combattant volontaire de la Résistance
- Médaille de l’Aéronautique
Ida Genty-Rossi a aussi marqué l’histoire en devenant une des premières femmes à obtenir des responsabilités de commandement dans l’Armée de l’air, contribuant à ouvrir la voie à d’autres femmes dans ce domaine.
Ida Genty-Rossi est donc un exemple d’héroïsme, de courage et d’engagement. Son parcours illustre non seulement la lutte contre l’occupant nazi, mais aussi la persévérance d’une femme dans un monde dominé par les hommes. Sa vie de résistante, puis de pionnière dans l’aviation militaire, et enfin de défenseure des droits des femmes, fait d’elle une figure incontournable de l’histoire de la France. Elle restera à jamais dans la mémoire collective comme un modèle de résistance, d’intégrité et de dévouement pour la liberté et l’égalité.
Sources
1 – https://maitron.fr/spip.php?article171364, notice ROSSI Robert [Pseudonymes dans la Résistance : Perret, Levallois] par Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 8 mars 2015, dernière modification le 20 février 2022.
2 – https://www.ordredelaliberation.fr/fr/compagnons/robert-rossi
3 – Ruffray Françoise de, Breguet Emmanuel. La féminisation dans l’armée de l’Air depuis 1945. In: Revue Historique des Armées, n°182, 1991. Ancien Régime. pp. 83-88;
doi : https://doi.org/10.3406/rharm.1991.3999;
4 – La Tribune du Progrès N°54 Octobre – Novembre – Décembre 2014 -p. 10.
5 – La Tribune du Progrès N°57 Octobre 2015 -p. 13.
6- La Tribune du Progrès N°58 Mars 2016 -p. 15.
7 – Robert GENTY international de l’aéronautique et Maire-Adjoint De Saint Pierre Quiberon de 1980 à 1995 — conférence réalisée par Jean-Michel Kervadec
8- les photos de Portivy sont proposées par Yann Guimond et les informations sur les familles Rué et Genty par Monique Noé